Le photographe scrute depuis 50 ans le style des Américaines. Ce photographe de 83 ans, sourire aux lèvres et éternelle veste bleue,
arpentent les rues de New York depuis un demi-siècle.
Il est l'un des
personnages les plus respectés et influents de l'industrie de la mode,
mais aussi l'un des plus mystérieux.
Né dans une famille catholique de Boston, le jeune Bill s'installe à New
York, après quelques mois d'études à Harvard, avec l'intention
d'assouvir sa plus grande passion: la mode. Dans le Manhattan des années
1950, un glamour distingué et féminin s'impose; Bill travaille dans
l'élégante boutique Chez Ninon, où il se rapproche de quelques
riches clientes. A cette époque, il devient aussi créateur de chapeaux
sous le nom de William J. Dans son salon de la 54e Rue, il reçoit Joan Crawford, Ginger Rogers ou Marilyn Monroe,
toutes attirées par ses créations féeriques: ses chapeaux exotiques à
formes sinueuses, imitant des huîtres géantes ou ornés de franges
extravagantes, témoignent d'un goût assumé pour l'exceptionnel. Il n'hésite pas à faire le serveur dans des
restaurants et des drugstores pour financer la fabrication de ses
délirants couvre-chefs.
Le jour où un ami lui fait cadeau d'un appareil Olympus en lui disant: "Utilise-le comme un cahier de notes", Bill commence à
photographier les looks des gens dans la rue. Ce sont les années 1960,
époque de prospérité et de modernité marquée par la naissance du
prêt-à-porter et le refus de tous les conformismes: "La première fois
que j'ai vu des jeunes en train de protester contre la guerre du
Vietnam, je me suis aperçu que ce que j'aimais vraiment c'était le style
des rues." Cela marque aussi le début d'une série de collaborations
avec le Chicago Tribune et Women's Wear Daily.
Un matin de 1978, alors qu'il cherche des sujets à photographier, il
remarque un manteau de fourrure, "simple mais avec une très belle
coupe", porté par une dame. Il enchaîne les clichés de ce fascinant
manteau, mais ce n'est que dans le secret de son laboratoire, quelque
temps après, qu'il réalise que la femme ainsi mitraillée n'est autre
que... Greta Garbo. Il décide alors de présenter cette image, avec
quelques autres, à l'éditeur du New York Times. Voilà le début de la rubrique "On the Street", qu'il compose chaque semaine depuis.
Aujourd'hui, M. Cunningham continue de révéler les goûts et la vie des New-Yorkais à travers "On the Street" et "Evening Hours"
(où il présente les soirées chics de la ville). Les professionnels de
la mode attendent chaque semaine ses rubriques; Anna Wintour affirme
qu'il connaît les tendances bien avant tout le monde. Pourtant, comme
Greta Garbo, Bill Cunningham reste réservé et insaisissable. Il refuse avec une infinie gentillesse de parler de lui-même
et de livrer des détails sur sa vie privée. Il travaille avec une
dévotion presque religieuse et affirme que la rue est son bureau. Sa
veste bleue, devenue son signe distinctif, est-elle un clin d'oeil aux
ouvriers, balayeurs, policiers et vendeurs de hot dogs qui constituent
sa compagnie pendant les longues heures passées dehors?
Bill Cunningham aime saisir les gens au naturel, marchant dans une flaque
d'eau, glissant sur la neige ou souriant candidement. La mise en page
des clichés n'est pas qu'un collage de tendances, mais plutôt une
narration jamais exempte d'humour. D'ailleurs, le travail de Bill
Cunningham est bien plus qu'un ensemble de photos de mode; il s'agit
d'un projet d'anthropologie culturelle reflétant la façon dont New York
et les New-Yorkais ont mué à mesure que l'économie, la politique, la
culture et les moeurs ont évolué. Comme dit Bill, "le meilleur défilé de
mode se tient dans la rue. Ça a toujours été comme ça, et ça continuera
de l'être".
Très bon article! Merci
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